Mois : janvier 2023

La tentation d’Aladin

de Léon Ouaknine

Il y a un an, j’ai eu le bonheur de lire l’excellent roman de science-fiction philosophique « La tentation d’Aladin » de mon ami Léon Ouaknine. Le développement rapide de ChatGPT remet ce livre en plein dans l’actualité.  Les enjeux inhérents à la problématique d’une IA hyper-intelligente, les réflexions, les craintes et les emballements de certains, les avancées incroyables qui en découlent, intéresseront de nombreux lecteurs et lectrices. Vous serez surpris de constater à quel point Léon Ouaknine avait vu juste par rapport à cette problématique devenue réalité. En plus de nombreuses réflexions sur ce thème, vous y trouverez également plusieurs idées novatrices.

Lors de notre dernière rencontre, j’ai refilé le roman de Léon à ma chère amie Irène Durand en lui demandant de m’écrire ses commentaires. Je vous les présente ici, sur mon blogue, en espérant qu’ils feront naître en vous suffisamment d’intérêts pour ce livre agréablement de son temps.


La tentation D’ALADIN

Commentaires de Irène Durand

Ma chère Danielle, j’ai lu le livre de Léon Ouaknine. Je le classerais dans la catégorie science-fiction philosophique.

Comme je connais Ouaknine par ses pages Facebook, j’ai eu peu de surprises. Je connaissais sa vaste érudition, ses riches expériences de vie et son audace pour exprimer ses positions politique et anti-religion. Cependant, je ne savais pas qu’il avait cette vision apocalyptique de l’avenir. Hélas! Il a probablement raison.

J’ai lu récemment L’Algoritme de Rebecca du Québécois Christophe Roux-Dufort. Ce livre traite de l’incroyable IA créée par une Québécoise, prix Nobel et adepte d’une secte. Ce thriller, du style Da Vinci Code, nous révèle dans le dénouement que c’est l’Église catholique qui cherchait par tous les moyens à s’approprier cette IA nommée Transparence. Ceci pour dire qu’il y a sans doute des « pattern » dans la science-fiction, mais je ne suis pas spécialiste du genre.

En fait, j’ai davantage saisi le roman de Ouatkine comme un essai présenté sous forme de science-fiction. Les réflexions philosophiques sur la liberté, la conscience, le libre arbitre, la volonté, etc., ainsi que les mécanismes biologiques reliés aux émotions et à l’irrationalité m’étaient familiers, de même que les mécanismes politiques concernant la nature de l’homo sapiens.

En fait, le narrateur apparaît comme un professeur qui explique très bien les problématiques reliées au sujet principal: comment sauver l’humanité de la catastrophe écologique. Le ton est un peu aride pour un roman. Les premières surprises: l’héroïne d’une hyper-intelligence, co-conceptrice de Prométhée, choisit de donner naissance à l’ancienne. La deuxième surprise c’est la méthode proposée pour économiser l’énergie et permettre la survie de l’espèce: transformer les humains en chlorophylliens. J’ai aimé cette idée. Quant à l’ascenseur spatial créé grâce à Prométhée (la Supra-Intelligence), c’est plus qu’une métaphore du succès de l’exploration spatiale, qui ne suscite aucune critique sociale. En fait ce sont les réflexions qui en découlent qui ont de l’intérêt.

Finalement, il n’y a pas d’acceptation sociale pour les terriens qui tournent au vert: les chlorophylliens. La révolte s’installe, émoustillée par l’alliance des trois grandes religions de l’Occident qui ne peuvent admettre que Prométhée soit dans le plan DIVIN. Ce conflit idéologique permettra quelques scènes d’actions.

L’auteur revient souvent sur la notion de rationalité. Il réfléchit, à travers ses personnages, à l’hypothèse de rendre les terriens super intelligents, comme le fils « miraculé » des créateurs de Prométhée. Finalement, il ne semble pas que ce soit une solution parce que ceux-ci seraient en compétition tant qu’ils conserveraient leur nature humaine. Le combat hiérarchique pour la dominance semble profondément inscrit dans la biologie humaine.

Bref, ce livre suscite plus de questionnement qu’il n’apporte de réponses, tout en donnant beaucoup d’informations et de réflexions philosophiques et scientifiques. La conclusion c’est qu’il faut continuer à rouler sa roche comme Sisyphe puisque l’avenir est une montagne d’incertitudes malgré toutes nos connaissances. En fait, l’auteur parle des abeilles qui se sont mises à voler alors que cela n’était pas leur vocation.

L’actuelle révolution concernant l’Intelligence Artificielle rend ce livre plus actuel que jamais. Pour les amateurs et amatrices de ce genre de réflexions.

On pourrait penser qu’il y aurait une suite.

I.D.   

Le Mage du Kremlin

de Giuliano da Empoli

Je termine la lecture d’un magnifique roman, « Le Mage du Kremlin », écrit par le politologue et essayiste italien Giuliano da Empoli. Ce roman, basé sur des faits réels, est très instructif sur le pouvoir en Russie et nous aide à comprendre comment on en est arrivé à cette guerre effroyable en Ukraine. Vadim Baranov, librement inspiré de l’ancien conseiller de Poutine, Vladislav Sourkov, se confie à un jeune étudiant. Passionné de livres et amoureux de la culture occidentale contemporaine, à l’instar de son grand-père à l’époque tsariste, Baranov, le mage du Kremlin, retrace certains événements importants des dernières années et analyse pourquoi « la domination brutale de Poutine fonctionne sur le peuple russe ».

À la fin du communisme, les Russes vivaient dans une sorte de « Far West » démocratique où les oligarques dominaient dans tous les domaines du capitalisme et de la politique. Jusqu’à ce qu’ils comprennent enfin que cette situation ne leur était pas favorable : l’éclatement du pouvoir, la criminalité, les taux de suicide élevés, le désarroi du peuple. « Les Russes avaient une patrie, ils se retrouvent avec un supermarché ». Sans réellement savoir ce qui les attendait, croyant avoir trouvé la marionnette idéale, les oligarques ont donné les clés du pouvoir à un parfait inconnu, Vladimir Poutine, alias le Tsar, dictateur et mégalomane solitaire qui « a une écharde de glace dans le cœur » et qui vit la nuit.

« Le Mage du Kremlin » est un roman réaliste, superbement écrit. C’est un livre dont tu te dis : ah! celui-là est différent! Un livre où la culture domine et dont la fin ne laisse malheureusement aucun espoir. L’auteur écrit : « Grand-père disait que tôt ou tard, quelqu’un devrait ramasser toutes les statues équestres éparpillées dans toutes les villes du monde et les expédier au milieu du désert, dans un camp dédié à tous les massacreurs de l’histoire. » Au mépris des « wokes », ces déboulonneurs de statues et censeurs d’histoires, artisans de l’oubli collectif, l’auteur oppose la connaissance et l’analyse des faits. À la fin, il se veut également visionnaire en tentant de démontrer ce qui, pour lui, devient une évidence : l’émergence d’un pouvoir encore plus absolu, celui des robots : « Il faudrait toujours regarder l’origine des choses. Toutes les technologies qui ont fait irruption dans nos vies ces dernières années ont une origine militaire. Les ordinateurs ont été développés pendant la Deuxième Guerre mondiale pour déchiffrer les codes ennemis. Internet comme moyen de communication en cas de guerre nucléaire, le GPS pour localiser les unités de combat, et ainsi de suite. Ce sont toutes des technologies de contrôle conçues pour asservir, pas pour rendre service. Seule une bande de Californiens défoncés au LSD pouvait être assez débile pour imaginer qu’un instrument inventé par des militaires se transformerait en outil d’émancipation. Et ils ont été nombreux à le croire », écrit-il. Mais, sur ce point, il n’apporte aucune analyse.

Cette fin, abrupte et sans concessions, aurait mérité une analyse plus complète et éloignée des dérives actuelles.

À lire pour tout ce que ce roman apporte de clarté à l’histoire que l’on connaît déjà : celle du pouvoir en Russie. Et pour la beauté de la langue.


© 2024 Des mots…

Thème par Anders NorenHaut ↑