Ce texte résulte d’une conversation entre Danielle Soulières et Céline Laplante
Notre histoire raconte les luttes menées pour l’égalité, la laïcité, l’indépendance, la préservation de notre langue, le droit à l’avortement, la politique de la petite enfance, les congés parentaux, le droit de mourir dans la dignité, etc. Ces héritages sociaux, toujours fragiles ou inaccomplis, sont nés du bouillonnement des idées et de l’espoir d’un avenir meilleur pour toutes et tous, à une époque où nous avions l’impression de refaire le monde. D’une même voix, les féministes ont accompli plus que leurs parts pour articuler les exigences du vivre-ensemble dans une société démocratique.
Mais voilà que nous voyons surgir de nouveaux idéologues issus du multiculturalisme : des inclusifs, des racialistes, des genristes, et d’autres inquisiteurs de la pensée qui « soufflent sur les braises de l’intolérance ». Pour eux, la notion de race n’est plus biologique, mais sociale. Ils prônent « l’assignation » de l’individu à son épiderme et à son « genre » et condamnent avec agressivité les blancs plutôt que leurs privilèges. La « blanchité » et les TERFS (trans-exclusionary radical feminist), insulte contre celles et ceux qui critiquent les théories de l’identité du genre et qui affirment la réalité biologique de deux sexes, deviennent les ennemis à abattre.
Les mots perdent leurs sens.
Au Québec, on accuse de racistes les combattants de la laïcité et celles et ceux qui préconisent la fin du religieux en situation de pouvoir. Il en va de même de la sauvegarde de la langue française toujours bafouée, ainsi que les discours sur l’affirmation d’une culture distincte. On censure les œuvres d’arts trop osés, les livres d’un auteur déconsidéré, les pièces de théâtre où les personnages de noirs sont interprétés par des blancs, les vieux classiques où les acteurs ont tenu des propos racistes ou homophobes. Pour avoir osé dire que « Les gens qui ont des règles sont des femmes », on accuse l’écrivaine J.K. Rowling d’avoir exprimé des propos transphobes. Le racialiste gagne du terrain et radicalise tous nos débats de société. Personne ne sait où cela va nous mener. Le déboulement et le vandalisme des statues, nous invitent à réfléchir à l’histoire humaine et à faire œuvre de pédagogie pour penser l’avenir plutôt que de faire le choix de la destruction, complètement suicidaire pour la liberté, le vivre-ensemble et la démocratie.
En entrevue, Caroline Fourest explique que « La tendance est à la purification et à la censure. Et le pire, c’est que cette demande émane des jeunes générations. Quand la jeunesse demande la censure, c’est qu’elle n’est plus du côté de la liberté ».
Une question s’impose alors. Privés de l’esprit critique de la pensée, les jeunes formés au cours « Éthique et culture religieuse » et qui pour une bonne part, n’ont que les réseaux sociaux pour s’éduquer, seraient-ils plus susceptibles d’adhérer aveuglément à l’antiracisme/racialiste ? Synchro avec Québec solidaire, la gauche intersectionnelle et les tenants du multiculturalisme qui surfent en silence sur cette réalité, ces jeunes en quête de combats et d’émotions auraient eux aussi une « appétence particulière pour les combats des minorités« . Ce qui semble louable et tout à leur honneur, sauf que certains de leurs combats actuels voilent le développement de la pensée « à-venir ».
La vidéo du meurtre horrible de George Floyd leur a donné une appréciation « globalisée » du racisme. Suffisamment en tout cas pour partir au front sans trop se questionner ou replacer les choses dans leur contexte. Ces nouvelles générations sont plus ouvertes à la diversité, partout dans le monde où elles peuvent s’exprimer. Mais, individualiser les combats au lieu d’en faire une lutte commune, diviser au lieu de se regrouper ne prépare pas à un avenir démocratique pour tous. Sans doute verront-ils les « racismes sociaux » se multiplier, du moins dans les sociétés occidentales. À quel prix ? La perte de la liberté collective et du cloisonnement à des droits individuels plutôt qu’universels.
Plier l’échine et se vautrer dans une culpabilisation collective n’est pas une solution envisageable. Au contraire, s’il faut encore se battre, faisons-le avec intelligence, en exprimant fortement notre désaccord et en utilisant des armes pédagogiques pour les inviter à penser l’avenir.
Que cela se dise, pour nous les mots ont un sens.
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